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Schroders : Signes de relance de l’hydrogène vert

James Samworth (coresponsable de la transition énergétique) et Kristian Høeg Madsen (coresponsable de l’hydrogène) de Schroders Greencoat explorent les raisons et les ramifications du regain d’optimisme à l’égard de l’hydrogène vert.

La thèse d’investissement en faveur de l’hydrogène vert a toujours été convaincante. L’hydrogène est utilisé depuis des décennies dans des processus industriels allant du raffinage à la production d’engrais. En tant que carburant « propre » zéro émission, qui agit également comme un vecteur énergétique efficace, il constitue un soutien très prometteur à la décarbonation des industries dans l’ensemble de l’économie, y compris le transport longue distance, les produits chimiques et la sidérurgie.

Cependant, la majeure partie de l’hydrogène utilisé aujourd’hui provient de combustibles fossiles tels que le gaz naturel (principalement) ou le charbon, et les procédés utilisés pour l’extraire génèrent également des émissions de carbone comme sous-produit. En conséquence, la production d’hydrogène représente aujourd’hui environ 2 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

L’hydrogène « vert », quant à lui, est produit par électrolyse de l’eau à l’aide d’électricité alimentée par des énergies renouvelables. Aucun combustible fossile n’est utilisé pour obtenir l’hydrogène, aucune émission n’est produite lors de son extraction – et le combustible qui en résulte est également exempt d’émissions. Certains y voyaient le carburant du futur qui contribuerait à la transition énergétique mondiale.

L’enthousiasme suscité par le potentiel de l’hydrogène vert a atteint un pic au début des années 2020, l’Hydrogen Council, un groupe industriel basé en Belgique, prédisant en 2021 que 500 milliards de dollars seraient investis dans des projets d’ici 2030. Au lieu de cela, les coûts élevés, la complexité de la production et la lenteur de la mise en œuvre du soutien public ont entraîné des retards dans les projets et une perte d’enthousiasme pour le secteur parmi les investisseurs.

Signes de relance

Le moment est cependant venu de porter un regard neuf sur l’hydrogène vert, car des signes de relance refont leur apparition.

Dans son Global Hydrogen Review 2024, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) note que la demande et la production d’hydrogène à faibles émissions, qui comprend l’hydrogène « bleu » produit à partir du gaz naturel par un processus qui capture et stocke les émissions de carbone, ont été estimées à environ 1 Mt (million de tonnes) en 2024. La production est en hausse de plus de 50 % depuis 2021, la totalité de cette croissance étant attribuable à l’hydrogène vert alimenté par les énergies renouvelables.

Parallèlement, la capacité installée d’électrolyseurs pour produire de l’hydrogène vert devait atteindre 5,2 GW l’année dernière, soit neuf fois plus qu’en 2021 et trois fois plus qu’en 2023. Les investissements dans l’installation d’électrolyseurs ont atteint 7 milliards USD en 2024, contre seulement 300 millions USD en 2021.

Bien sûr, ces chiffres sont encore loin du potentiel autrefois envisagé pour le secteur et de l’augmentation nécessaire d’ici 2030, selon le scénario de l’agence, pour que le secteur mondial de l’énergie atteigne zéro émission nette d’ici 2050. Ce scénario inclut une hypothèse de production d’hydrogène à faibles émissions de 56 Mt d’ici la fin de la décennie, dont 49 Mt d’hydrogène vert.

La production finale attendue d’hydrogène vert à partir des projets annoncés s’est élevée à 37 Mt en 2024 – et seule une fraction de ces projets ont effectivement atteint leur décision d’investissement finale, ce qui signifie que la plupart d’entre eux relèvent actuellement de la théorie et non de la réalité.

Un potentiel croissant

Il est clair que le chemin à parcourir est long et que les investisseurs font preuve de prudence à l’heure actuelle, mais le secteur bénéficie clairement d’un regain d’optimisme – et un soutien public, combiné à des interventions politiques (la carotte et le bâton, si vous voulez), pourrait contribuer à accélérer la mise en production de nouveaux projets.

Commençons par la carotte. Les gouvernements du monde entier investissent des milliards dans de nouvelles subventions, des allègements fiscaux et un soutien direct à des projets d’infrastructure d’hydrogène vert. Les annonces faites en 2024 incluent :

  • l'approbation par la Commission européenne d'un montant total de 6,9 milliards d'euros (6,7 milliards de dollars) de subventions publiques de la France, de l'Allemagne, de l'Italie, des Pays-Bas, de la Pologne, du Portugal et de la Slovaquie, qui devrait être combiné avec 5,4 milliards d'euros d'investissements privés pour soutenir 33 projets ;
  • environ 2 milliards d’euros du gouvernement espagnol pour des programmes de subventions, qui s’inscrivent dans le cadre d’un ensemble plus large de soutien aux énergies renouvelables ;
  • La confirmation de 2 milliards de livres sterling (2,5 milliards de dollars) de subventions du gouvernement britannique pour 11 projets approuvés lors de son premier tour d’allocation de projets d’hydrogène, les demandes pour le second tour étant en cours ;
  • la première tranche d’une adjudication de subvention de 1,9 milliard d’euros (2 milliards de dollars) de la Banque européenne de l’hydrogène ; et
  • 12,6 milliards de dollars de financement du ministère américain de l’Énergie pour la réalisation de projets d’hydrogène dans trois des plus grands ports de Californie.  

En ce qui concerne le bâton, les gouvernements du monde entier introduisent de nouvelles règles qui obligeront – ou inciteront indirectement – les entreprises à acquérir davantage d’hydrogène vert à l’avenir. Par exemple, l’UE a adopté l’année dernière la directive sur les énergies renouvelables, qui oblige entre autres les utilisateurs industriels à se procurer au moins 42 % de leur hydrogène à partir de sources renouvelables d’ici 2030, puis 60 % d’ici 2035. La directive prévoit également un objectif contraignant visant à ce qu’en 2030, 5,5 % de tous les carburants de transport soient des carburants renouvelables d’origine non biologique (RFNBO), ce qui fait référence à l’hydrogène renouvelable et aux alternatives dérivées , ou aux biocarburants avancés.

Ailleurs, en Australie, les nouvelles lois sur la réduction des émissions devraient avoir un impact significatif sur les secteurs de la sidérurgie et du transport, ce qui stimule la demande de projets locaux d’hydrogène vert.

Catalyseur des énergies renouvelables

Comment cette croissance de l’hydrogène vert, réelle et potentielle, se traduira-t-elle par une demande d’énergies renouvelables ? Ce sont des secteurs qui sont intrinsèquement liés, étant donné que la disponibilité de la capacité d’énergie renouvelable est, par définition, essentielle à la croissance de la production d’hydrogène vert. En effet, à partir de 2030, les règles de l’UE exigeront que la production d’hydrogène vert corresponde à l’énergie renouvelable utilisée pour la produire, heure par heure.

Un terreau fertile pour la croissance

Après avoir traversé une période difficile, il est clair que le secteur de l’hydrogène vert donne des signes d’embellie et un connaît un regain d’optimisme. Alors que la première vague d’intérêt pour les cas d’utilisation spéculatifs s’est atténuée, les projets lancés depuis plusieurs années commencent à porter leurs fruits, tandis que l’installation et la production d’électrolyseurs s’accélèrent, ce qui offre toute une série d’opportunités d’investissement intéressantes.

Le potentiel de ce carburant propre en tant que moteur clé de la transition énergétique mondiale reste inchangé, mais les cas d’utilisation de l’hydrogène lui confèrent désormais une valeur indéniable – et le soutien politique et financier croissant des gouvernements devrait aider à surmonter les obstacles à la mise en service des projets. Toutefois, les investisseurs font preuve de prudence. La connaissance des risques inhérents au secteur ainsi qu’une approche centrée sur le client et axée sur des projets directement liés à la demande sont essentielles.

Il est important de noter que la croissance qui commence à émerger dans le secteur va, de par sa nature, accroître la demande de production d’énergie renouvelable – et il semble qu’elle pourrait devenir à terme un moteur clé de l’augmentation de la capacité d’énergie renouvelable à l’échelle mondiale.

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