La responsable de la dette émergente chez BlueBay Polina Kurdyavko nous explique comment les cours de ces actifs ont réagi modérément à la victoire de Donald Trump et elle aborde les tendances actuelles des sous-classes d'actifs de la dette émergente ainsi que trois thèmes clés qui devraient conditionner les perspectives de ces instruments.
Principaux points à retenir:
- Les marchés ont réagi comme prévu au sein des économies émergentes.
- La solidité des fondamentaux conditionne l’évolution des spreads de crédit des marchés émergents.
- La surperformance des taux locaux devrait se poursuivre ; la performance des devises est quant à elle plus disparate.
- Les matières premières représentent une thématique clé des marchés émergents, mais leurs perspectives sont contrastées.
- Les risques associés à la politique étrangère de Donald Trump pourraient générer de la volatilité sur ces marchés.
Sur les marchés émergents, la réaction de marché à la victoire haut la main de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine cette semaine a été globalement conforme aux attentes : les spreads se sont contractés sur le marché du crédit, ce qui a compensé en grande partie la faiblesse des taux américains. L’Argentine et l’Ukraine ont enregistré des performances notables, compte tenu de l’apparente affinité entre le Président argentin et le président-élu Donald Trump et des espoirs que M. Trump cherche à mettre un terme au conflit en Ukraine.
Sur les marchés locaux, la vigueur du dollar américain est le thème dominant tant face aux devises à bêta faible qu’à bêta élevé. D’autres facteurs ont bien entendu conditionné la réaction de marché, mais il semble que la volatilité observée à l’approche de l’élection ait été, en partie tout au moins, causée par l’incertitude entourant les conséquences potentielles plutôt que par le résultat lui-même.
Dorénavant, les priorités initiales de l’administration Trump devraient déterminer l’ampleur de toute nouvelle mesure. L’accent placé par M. Trump sur des politiques commerciales protectionnistes et une hausse des tarifs douaniers pourrait faire obstacle aux échanges commerciaux mondiaux, en particulier si les principaux partenaires commerciaux des États-Unis introduisent des tarifs douaniers en représailles. Par ailleurs, le programme favorable à la croissance, à la déréglementation et à la réduction d'impôts de l’administration Trump devrait contribuer dans un premier temps à la fermeté du dollar. Tandis que d'autres pays pourraient accepter un certain degré de faiblesse de leurs devises, les devises à faible bêta, à l’image de l'euro, devraient manifestement se déprécier, car la BCE pourrait être encouragée à abaisser ses taux à un rythme plus rapide en raison de l’application de tarifs douaniers qui pèseraient sur les perspectives de croissance de l’UE.
S’agissant des obligations émergentes, trois thèmes principaux devraient déterminer leurs perspectives :
1. La solidité des fondamentaux conditionne l’évolution des spreads de crédit des marchés émergents
Malgré la volatilité accrue observée ces dernières semaines, les marchés des devises fortes se sont montrés résilients : le taux de défaut modéré agit comme une solide pierre angulaire tandis que le niveau toujours élevé des rendements globaux protège les performances. Nous sommes d’avis que les spreads continueront d'être conditionnés par les perspectives de défaut sous-jacentes, qui devraient demeurer à 0 % pour la dette souveraine et à 2,7 % pour les obligations d’entreprises en 2025(1). Ce pourcentage devrait être légèrement inférieur aux taux de défaut des marchés développés, que nous estimons à 3 % pour les obligations américaines et européennes à haut rendement (2). En matière de gestion, la clé résidera dans l’identification bottom-up de pays en phase de redressement, à l’image de l’Argentine, de la Turquie et de l’Égypte, qui ont prouvé leur résilience dans cet environnement empreint d’incertitude.
L’éventualité de gros titres imprévus et d’incertitudes politiques au cours des prochains mois pourra engendrer des périodes de volatilité sur les marchés liquides, au point que la demande en faveur de nouvelles émissions réalisées par des entreprises émergentes pourrait s’avérer moins solide. Ce contexte pourrait donner naissance à des opportunités plus séduisantes dans le secteur des prêts et des actifs illiquides, où les entreprises performantes et en bonne santé financière choisissent la voie du crédit privé pour financer leurs besoins à plus courte échéance ou des montants plus modérés – même en contrepartie d’une prime – en vue d’un refinancement une fois que le marché aura retrouvé tout son appétit. Les gérants de crédit qui sont en mesure de tirer parti de ces bouleversements peuvent générer des performances attractives tout en restant axés sur les titres à qualité de crédit plus élevée.
2. La surperformance des taux locaux devrait se poursuivre ; la performance des devises est quant à elle plus disparate
Les marchés émergents en devise locale ont fait les frais de la revalorisation survenue à l'approche des élections sous l'effet du raffermissement du dollar américain. Dans l’ensemble, les taux d’intérêt américains sont susceptibles de rester élevés pendant plus longtemps en vertu des politiques budgétaires et économiques de M. Trump, raison pour laquelle les devises émergentes pourraient subir une pression généralisée.
À l’égard de ces dernières, nous sommes actuellement prudents et privilégions une approche plus sélective. Un accent plus prononcé sur les réductions d'impôts et la déréglementation pourrait se traduire par une surperformance relative des devises émergentes à bêta élevé par rapport aux devises à faible bêta telles que l'euro. La situation sera inversée si l’accent est davantage accordé au protectionnisme. Dans les deux cas, le dollar américain ne semble pas être une grande monnaie de financement dans la situation actuelle et, en conséquence, les investisseurs sont susceptibles de se positionner sur les marchés locaux dans d’autres devises de financement au détriment du billet vert.
Du côté des taux locaux, nous restons optimistes. Les taux des marchés émergents affichent une surperformance depuis le début de l’année. Nous nous attendons à ce que cette tendance se poursuive, car les taux réels moyens de ces pays – en particulier en Amérique latine – offrent un potentiel significatif de reprise par rapport à leurs homologues des marchés développés. Ces pays devraient offrir de meilleures performances corrigées du risque à moyen terme. L'Europe centrale et orientale (ECO) est une autre région qui reste attractive, avec des pays comme la Pologne et la Roumanie qui offrent une valeur relative intéressante grâce à des politiques budgétaires rigoureuses et de robustes perspectives de croissance.
En revanche, nous avons une opinion plus prudente à l’égard de l’Asie. Outre des droits de douane potentiels, l’ensemble de la région est confronté à un certain nombre d’obstacles, notamment la Chine dont la croissance atone et la déflation demeurent préoccupantes. Cela dit, nous tenons à souligner qu’une hausse des tarifs douaniers imposés à la Chine pourraient l’encourager à prendre des mesures de relance plus ambitieuses et pourraient être favorables à d’autres pays asiatiques qui bénéficieront de la demande du consommateur chinois.
3. Matières premières – des perspectives contrastées
Les perspectives de croissance délicates de la Chine continuent de jouer un rôle clé sur la demande mondiale de matières premières et sur l’évolution des prix. En outre, Donald Trump s’est engagé à accroître la production de pétrole et de gaz naturel, même si leur production atteint déjà des niveaux records aux États-Unis. Nous sommes également conscients qu’une résolution ou une normalisation de la situation avec la Russie et un éventuel assouplissement des sanctions pourraient exercer une pression supplémentaire sur les cours du pétrole. En l’absence de nouvelle aggravation importante du conflit au Moyen-Orient, les prix du pétrole devraient se replier à partir de maintenant. Par ailleurs, le positionnement de M. Trump à l’égard du commerce et des investissements dans les infrastructures pourrait stimuler la demande en faveur des métaux industriels, ce qui pourrait constituer un atout pour les exportateurs de matières premières d’Amérique latine et d’Afrique.
En concluant par la situation géopolitique, les risques associés à la politique étrangère de M. Trump, notamment à l’égard de la Chine et du Moyen-Orient, pourraient créer de la volatilité sur ces marchés. Par ailleurs, si l’administration Trump parvenait à trouver une solution aux conflits en cours au Moyen-Orient et en Russie/Ukraine, cela pourrait stabiliser les marchés mondiaux, améliorer le sentiment et bénéficier en particulier aux économies émergentes.
1, 2 Bloomberg.
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