Le PIB allemand devrait croître de 5 % en 2026, selon l’IW

Michael Huether, director of the German economic think tank IW in Cologne. Photo by IW.
Michael Huether, director of the German economic think tank IW in Cologne. Photo by IW.

Lorsque Friedrich Merz a prononcé les célèbres mots de Mario Draghi la semaine dernière, il savait exactement quelle réaction il allait provoquer. Selon Michael Hüther, l’un des quatre économistes qui conseillent M. Merz, cette déclaration n’est pas un simple lapsus. 

En Europe, l’expression « Quoi qu’il en coûte » n’est jamais anodine. Elle ramène les marchés financiers à la crise de l’euro de 2012, lorsque le président de la BCE de l’époque, M. Draghi, avait prononcé ces trois mots pour rétablir la confiance dans l’euro et calmer les marchés. Mais là où Draghi voulait sauver l’euro, le candidat chrétien-démocrate à la chancellerie allemande utilise cette expression dans un contexte différent : l’avenir de l’économie et de la défense allemandes.

Comment M. Merz en est-il arrivé à cette déclaration et quel signal voulait-il réellement envoyer ? Selon Michael Hüther, directeur de l’Institut der deutschen Wirtschaft (IW) à Cologne et l’un des quatre économistes qui conseillent M. Merz, cette déclaration n’est pas un simple lapsus. 

S’adressant à Investment Officer, M. Hüther a confirmé qu’il travaillait avec Clemens Fuest (IFO), Moritz Schularick (Kiel Institute for the World Economy) et Jens Südekum (Heinrich-Heine-Universität Düsseldorf) pour aider M. Merz à élaborer son programme économique. Ce groupe a été constitué après les élections à l’initiative de Jakob von Weizsäcker, l’actuel ministre des Finances du Land de Sarre et ancien économiste en chef du ministère allemand des Finances.

L’Allemagne envoie un signal au reste du monde

Michael Hüther explique que la déclaration de M. Merz est principalement un message adressé à la communauté internationale. « Il s’agit d’un signal fort adressé à l’Europe et à la communauté internationale quant à la volonté du pays de se défendre », déclare-t-il.

Le « quoi qu’il en coûte » envoie un signal fort à l’Europe et à la communauté internationale quant à la volonté du pays de se défendre ». 

Cette mesure s’inscrit dans le cadre du plan économique plus large de M. Merz, qui comprend un programme d’investissement d’une ampleur historique de 500 milliards d’euros, convenu avec les sociaux-démocrates au Bundestag. Outre cet engagement, M. Merz a également négocié une marge de manœuvre nettement plus importante pour les investissements dans le domaine de la défense. Cette approche devrait permettre à l’Allemagne de sortir de décennies de sous-investissement, de moderniser ses infrastructures et d’augmenter considérablement ses dépenses de défense.

Selon M. Hüther, il ne s’agit pas d’un exercice de rhétorique sans engagement. L’Allemagne, a-t-il dit, a sous-investi pendant des années et doit rattraper son retard dans les années à venir. « Notre pays a besoin d’environ 2000 euros supplémentaires par habitant et par an pour atteindre les niveaux d’investissement européens », affirme-t-il. Cela représente une augmentation de 473 euros par personne et par an par rapport à la situation actuelle. Le plan, une « proposition budgétaire d’une ampleur historique », devrait donc représenter un tournant dans ce domaine, selon Michael Hüther.

Rupture avec l’orthodoxie budgétaire ?

La grande question est de savoir si M. Merz est réellement capable de rompre avec le dogme budgétaire allemand. Son prédécesseur à la tête de la CDU, Angela Merkel, a maintenu pendant des années le Schwarze Null (équilibre budgétaire) et le strict frein de la dette. Toutefois, M. Hüther souligne que l’Allemagne se trouve aujourd’hui dans une situation économique et géopolitique différente. « Ne pas investir dans les infrastructures et la défense constituerait un risque beaucoup plus important », ajoute-t-il.

« La crise actuelle, marquée par des changements géopolitiques, une récession économique et une crise climatique de plus en plus menaçante, exige un bond en avant dans les dépenses budgétaires. »

« La crise actuelle, marquée par des changements géopolitiques, une récession économique et une crise climatique de plus en plus menaçante, exige un bond en avant des dépenses budgétaires. Les gouvernements sont constitutionnellement tenus de fournir des biens publics essentiels tels que la défense et les infrastructures publiques. Le programme budgétaire proposé pourrait donc orienter l’économie allemande dans une direction plus compétitive et plus sûre. »

Le plan économique de M. Merz est à bien des égards un mélange de politique de relance keynésienne et de politique classique de l’offre. Les investissements dans les infrastructures sont destinés à accroître la productivité à long terme, tandis que les dépenses de défense donneront un coup de fouet immédiat à l’économie. Selon les calculs de Michael Hüther et de ses collègues, cela pourrait permettre à l’économie allemande de croître beaucoup plus rapidement que les 1,3 % prévus par la Commission européenne pour l’année prochaine.

« Nous prévoyons une croissance du PIB de 5 % en 2026 grâce à cette augmentation considérable des investissements et de la production industrielle », dit M. Hüther.

Un vent nouveau à Berlin

L’annonce de M. Merz a été accueillie avec beaucoup d’enthousiasme sur les marchés financiers la semaine dernière. Le lendemain de sa déclaration, les rendements des obligations d’État allemandes à 10 ans ont augmenté de 30 points de base, soit la plus forte hausse en une seule journée depuis la chute du mur en 1989. Un vent nouveau souffle sur Berlin. C’est évident. 

« Si l’Allemagne n’investissait pas dans la défense et les infrastructures, le risque serait encore plus grand. »

M. Hüther ne considère pas la hausse des taux d’intérêt sur les obligations d’État allemandes et européennes comme un problème. « Si l’Allemagne n’investissait pas dans la défense et les infrastructures, le risque serait encore plus grand. L’Allemagne a l’économie la plus faible de la zone euro. L’investissement est absolument nécessaire et cela ne se fait pas avec une politique budgétaire restrictive. »

« Assouplir les règles très strictes et inflexibles du frein à la dette est une nécessité historique, compte tenu de la menace géopolitique d’une agression russe, d’une part, et du sous-investissement structurel dans les infrastructures publiques, d’autre part. »

D’autres problèmes à résoudre

Pour que l’économie prospère réellement, l’Allemagne doit également réduire la bureaucratie, réformer son système de retraite et accroître la productivité, selon Michael Hüther. 

« L’évolution démographique accroît chaque année la pression sur la sécurité sociale et les finances publiques. Sans une réforme urgente du système des retraites et une augmentation du temps de travail, nous ne pourrons pas résoudre ce problème. Il est inconcevable que les Suisses travaillent chaque année environ 100 heures de plus que les Allemands, soit deux heures de plus par semaine. »

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